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TGI NANTERRE (1re ch. A), 10 septembre 2003

Nature : Décision
Titre : TGI NANTERRE (1re ch. A), 10 septembre 2003
Pays : France
Juridiction : TGI Nanterre. 1re ch. sect. A
Demande : 02/03296
Date : 10/09/2003
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 12/03/2002
Décision antérieure : CA VERSAILLES (14e ch.), 4 février 2004
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2003-221400
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3991

TGI NANTERRE (1re ch. A), 10 septembre 2003 : RG n° 02/03296

(sur appel CA Versailles (14e ch.), 4 février 2004 : RG n° 03/08320 ; arrêt n° 89)

 

Extrait : « Pour les clauses examinées, V. les motifs du jugement ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

PREMIÈRE CHAMBRE A

JUGEMENT DU 10 SEPTEMBRE 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 02/03296.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Francine LEVON-GUERIN, Premier vice-président Evelyne LOUYS, Vice-président, Marie-Christine COURBOULAY, Vice-président,

Assistées de : Emmanuelle MALPIECE, Greffier

 

DEMANDERESSE :

Association UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR UFC

[adresse], représentée par Maître Françoise BOURROUX, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, vestiaire : PN139

 

DÉFENDERESSE :

SA SOCIÉTÉ ORANGE FRANCE

[adresse], représentée par Maître POTOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T700

 

DÉBATS : A l'audience du 4 juin 2003 tenue publiquement ;

JUGEMENT : prononcé en audience publique par décision Contradictoire et en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte du 12 mars 2002 et par dernières conclusions du 6 janvier 2003, l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR qui sera dénommée UFC a assigné la société ORANGE FRANCE anciennement dénommée FRANCE TÉLÉCOM aux fins de voir déclarer abusives, sur le fondement de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, des clauses contenues dans le contrat d'abonnement au téléphone portable dans sa rédaction du 31 mai 2001 et de juin 2001, d'ordonner à la société ORANGE de supprimer de son modèle l'ensemble de ces clauses dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte définitive de 2.000 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai imparti, de condamner ORANGE à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, d'ordonner la publication du jugement dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBÉRATION aux frais de la défenderesse, à concurrence de 8.000 euros par insertion ainsi qu'en page d'accueil du site internet de la défenderesse, et ceci pendant un mois à dater du jugement, ordonner que la défenderesse fasse parvenir un courrier électronique à chacun de ses abonnés l'informant des modifications imposées à son contrat, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamner la société ORANGE à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par dernières conclusions en date du 31 mars 2003, la société ORANGE FRANCE contestait point par point le caractère abusif de clauses visées par UFC et dénonçait l'affirmation selon laquelle les téléphones mobiles souffraient de « piratage ».

Elle sollicitait le débouté de UFC et sa condamnation à lui payer la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire et pour éviter le caractère répétitif de la citation des fondements juridiques lors de l'analyse qui sera faite ci dessous de chaque clause contestée après un exposé de la thèse de chacune des parties, il est ici précisé que le caractère abusif des clauses sera apprécié au regard de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation en ce qu'il dispose :

« dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Enfin, il est rappelé que l'avis de la commission des clauses abusives publié le 27 juillet 1999 n'a qu'une portée consultative et n'est qu'un des éléments du débat parmi d'autres produits par les deux parties.

[minute page 3]

1 - L'article 4.1 du contrat est ainsi rédigé :

« A la conclusion du contrat et le cas échéant pendant la durée de celui-ci, ORANGE FRANCE peut demander à l'abonné de remettre un dépôt de garantie lorsqu'il se trouve dans une des situations suivantes :

- l'abonné n'a pas souscrit préalablement d'autre contrat d'abonnement auprès D'ORANGE FRANCE,

- en cas d'absence d'autorisation de prélèvement automatique au profit D'ORANGE FRANCE. »

L'UFC soutient que cette clause est abusive car elle permet à la société ORANGE FRANCE de modifier en cours de contrat et unilatéralement les obligations du consommateur ce qui est contraire aux dispositions de l'article [R.] 132-2 du Code de la consommation, que ce déséquilibre est d'autant plus manifeste que le montant du dépôt de garantie n'est pas indiqué dans le contrat.

La société ORANGE FRANCE répond que la recommandation de la commission des clauses abusives n'a souhaité l'interdiction d'une clause qui modifierait l'équilibre du contrat en cours, que pour autant que les hypothèses précises dans lesquelles cette modification interviendrait, ne sont pas explicitées ; que le montant du dépôt de garantie est indiqué dans la fiche tarifaire donnée en annexe du contrat.

Sur ce :

La clause 4.1 qui prévoit qu'un dépôt de garantie pourra être demandé en cours de contrat, permet bien, pour les abonnés n'ayant pas souscrit d'autre contrat auprès d'ORANGE ou n'ayant pas opté pour le prélèvement direct, une modification de l'économie du contrat pendant son exécution à l'initiative du seul professionnel, mais elle définit limitativement et précisément les événements qui provoqueraient ce changement.

En conséquence, le consommateur est informé dès la conclusion du contrat et non en cours de contrat, des raisons qui amèneraient une modification de ses obligations ; aucun déséquilibre n'est démontré dans les termes de cette clause d'autant que les deux conditions visées par UFC, dont l'abonné a une parfaite connaissance, sont en réalité applicables lors de la conclusion du contrat lui-même.

En outre, la société ORANGE FRANCE n'impose pas le prélèvement automatique sur le compte bancaire de l'abonné comme seul moyen de paiement comme l'affirme l'UFC ; le choix reste à l'abonné qui peut, soit payer par prélèvement automatique, soit par chèque mais en donnant un dépôt de garantie de 76 euros au profit de la société ORANGE FRANCE.

Cette clause laisse effectivement l'abonné libre du mode de paiement et n'entraîne pas de déséquilibre significatif à son détriment puisqu'il s'agit d'un dépôt de garantie, destiné à limiter les risques en cas de défaillance de l'abonné et qu'elle ne fait que maintenir l'équilibre entre les obligations et les devoirs des deux parties.

[minute page 4] Même s'il est regrettable que le consommateur ne soit pas informé du montant du dépôt de garantie à la lecture du contrat lui-même, celui-ci figure dans la fiche tarifaire annexée au contrat comme y renvoie l'article 4.6 dudit contrat.

Cette clause n'est donc pas abusive.

 

2 - L'article 4.5 indique que « le dépôt de garantie et les dettes de l'abonné ne se compensent pas ».

UFC conteste que la société ORANGE puisse conserver indûment un financement apporté par un abonné d'autant que la balance des comptes aboutit à un crédit en sa faveur et prétend qu'elle ne respecte pas la réglementation minimum européenne intégrée à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.

La société ORANGE FRANCE soutient que ce dépôt de garantie étant une sûreté, elle peut le conserver pour garantir les impayés.

Sur ce :

A aucun endroit du contrat n'est précisé quand et comment sera restitué au consommateur le dépôt de garantie.

Le dépôt de garantie constitue pour l'opérateur et ainsi que le soutient la société ORANGE FRANCE elle-même, une sûreté garantissant les carences éventuelles de l'abonné à honorer ses engagements ; il doit en conséquence rester constitué tout au cours de l'exécution du contrat sans être altéré.

Rien ne s'oppose cependant à ce que les dettes et le dépôt de garantie se compensent à la fin du contrat y compris en cas de résiliation pour non paiement.

Cette clause qui ne contient aucune précision quant aux modalités de restitution du dépôt de garantie permet un enrichissement sans cause de la société ORANGE FRANCE à hauteur de 76 euros par contrat ayant vu un dépôt de garantie s'effectuer et sans aucune obligation de sa part en contrepartie.

Cette clause 4-5 sera donc supprimée du contrat.

 

3 - A l'article 6 du contrat, il est dit :

« Le contrat est à durée indéterminée, avec une période initiale d'un an ».

L'article 16.3 du contrat prévoit les motifs qui permettent pendant la période initiale de douze mois de résilier le contrat et les conditions de sa mise en œuvre.

L'article 16.1 in fine dispose :

« Toutefois, lorsque l'abonné résilie avant la fin de la période initiale prévue à l'article 6, et sauf application des dispositions de l'article 16.2 et 16.3, les redevances d'abonnement restant à courir jusqu'à l'expiration de cette période deviennent immédiatement exigibles. »

[minute page 5] UFC fait grief au professionnel d'imposer une durée minimale de un an sans que la clause ne prévoit une possibilité de résiliation anticipée pour motif légitime et affirme que les conditions contenues dans l'article 16.3 sont insuffisantes et rendent l'abonné captif de son contrat pendant une période de 12 mois.

La société ORANGE FRANCE prétend qu'elle a répondu à l'obligation de prévoir un motif légitime en spécifiant les motifs pour lesquels la résiliation pendant la période initiale de douze mois est permise.

Sur ce :

Le contrat d'abonnement étant un contrat à durée indéterminée et une durée initiale de douze mois étant prévue, la résiliation pour motif légitime doit être possible, ce dont convient d'ailleurs la société ORANGE FRANCE.

Or, l'énumération limitative des cas constituant un motif légitime telle que contenue à l'article 16.3 du contrat, ne répond pas à la possibilité que doit conserver l'abonné de résilier son contrat à tout moment pour un motif dont la légitimité doit s'apprécier in concreto, sauf à créer un déséquilibre significatif au profit de la société ORANGE FRANCE qui conserve alors à son seul avantage une clientèle captive pendant douze mois, sans contrepartie d'une prestation.

Il n'appartient pas à la société ORANGE FRANCE de limiter les cas qui constituent un motif légitime sauf à ne les citer qu'à titre d'exemple et sans exclure d'autres événements qui pourraient, dans la vie de l'abonné, constituer un motif légitime.

En tout état de cause, le consommateur doit pouvoir résilier le contrat d'abonnement - qui est à la fois un contrat à durée indéterminée et un contrat d'adhésion, puisqu'un tel contrat doit être souscrit - à tout moment, et même pendant la période initiale de douze mois, pour un motif qu'il estime légitime à condition de respecter un préavis de sept jours et en informant la société ORANGE FRANCE par lettre recommandée avec accusé de réception ainsi que le prévoit déjà l'article 16.3 du contrat.

La clause prévoyant la durée initiale de douze mois sans résiliation possible sauf motif légitime n'est inscrite dans ce contrat à durée indéterminée qu'au seul profit du professionnel et sans aucune contrepartie.

Enfin, quand bien même la société ORANGE FRANCE propose un accès à la téléphonie mobile grâce à des mobicartes, cet argument est inopérant car le consommateur doit pouvoir, à son choix, accéder à la téléphonie mobile avec un contrat d'abonnement ; il n'appartient pas à la société ORANGE FRANCE d'imposer aux consommateurs des choix de type d'accès à la téléphonie mobile selon sa seule convenance.

Les termes « avec une période initiale de douze mois » rendent la clause abusive pour un contrat d'abonnement à durée indéterminée et devront être supprimés de la clause.

De même la clause 16.1 in fine est abusive et doit être supprimée.

[minute page 6]

4 - La clause 7-1 § 3 dispose « En tout état de cause, l'abonné est responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte (SIM) en l'absence de faute commise par FRANCE TÉLÉCOM. »

UFC fait valoir que en raison des épisodes de piratage notoires, la société ORANGE FRANCE ne peut s'exonérer de sa responsabilité sans renverser la charge de la preuve au détriment du consommateur.

La société ORANGE FRANCE précise que les épisodes de piratage ne sont pas avérés et qu'en l'absence de faute de sa part, elle n'a pas à supporter les conséquences de l'utilisation de la carte SIM.

Sur ce :

L'UFC ne démontre pas le caractère notoire des épisodes de piratage évoqués.

Bien plus, il convient de noter que l'existence de la carte SIM et du code confidentiel programmé par l'abonné seul pour mettre en marche son téléphone portable, rendent difficile l'utilisation de celui-ci hors de sa volonté sauf cas de perte ou de vol qui seront évoqués ci-dessous.

Le fonctionnement spécifique de la carte SIM grâce à la mise en œuvre préalable d'un code confidentiel choisi par le seul abonné, laisse effectivement présumer d'une faute ou d'une négligence de sa part qui est la raison la plus évidente et commune de l'utilisation de sa carte SIM, contre sa volonté.

La société ORANGE FRANCE n'a d'ailleurs pas exclu sa responsabilité si sa faute ou celle d'un des ses préposés était démontrée.

En conséquence, les termes de cette clause ne sont pas abusifs puisque la société ORANGE FRANCE qui ne connaît pas le code confidentiel de son abonné, ne peut être tenue responsable de l'utilisation et de la conservation de la carte SIM de son abonné en l'absence de faute commise par elle.

 

5 - Sur l'article 7-2 consacré à la perte ou au vol de la carte SIM :

L'UFC soutient que le fait que « seule la date de réception de l'information écrite fait foi pour la date de la demande de suspension de la ligne » crée un déséquilibre en faveur de ORANGE FRANCE et qu'elle doit être tenue pour responsable des conséquences d'une déclaration de vol ou de perte inexacte car elle dispose de moyen de vérifier l'information donnée.

La société ORANGE FRANCE fait valoir que l'exigence d'une déclaration écrite répond à son souci de protéger ses abonnés de demandes fallacieuses de suspension de la ligne et que les conséquences d'une fausse déclaration ne peuvent lui être imputées en raison des exigences retenues pour celle-ci notamment son caractère écrit.

[minute page 7]

Sur ce :

La déclaration de vol ou de perte de la carte SIM doit pouvoir être effectuée par téléphone et être prise en compte dès cet appel.

Imposer une déclaration écrite crée un déséquilibre significatif au profit de ORANGE FRANCE qui pourra pendant le délai s'écoulant entre la déclaration téléphonique et la déclaration écrite, faire supporter à son abonné des communications qu'il n'aura pas passées personnellement.

L'argument de UFC selon lequel d'autres sociétés prennent en compte la déclaration téléphonique de perte ou de vol pour suspendre immédiatement l'accès donné aux réseaux de téléphonie mobile, doit être retenu et rapproché de la possibilité donnée à tous les utilisateurs de carte de paiement bancaire de faire opposition lors de la perte ou du vol de celle-ci par téléphone, de façon à arrêter sans tarder l'hémorragie des sommes dues au titre des communications passées par le voleur ou l'inventeur du téléphone.

En conséquence, le report de la suspension de la ligne par l'accès à leur carte SIM à la réception d'une demande écrite est abusive en ce qu'elle fait supporter indûment à l'abonné des communications passées par un tiers du fait de la perte ou du vol, alors qu'il en a averti le donneur d'accès qui peut seul suspendre sans attendre l'accès aux lignes satellitaires.

En revanche, ORANGE FRANCE est parfaitement fondée à demander que l'information donnée soit confirmée dans les jours qui suivent, par écrit en y joignant les pièces justificatives du vol ou de la perte.

La clause 7.2 § 1 est donc abusive et sera supprimée du contrat.

Enfin, dans la mesure où la prise en compte du vol ou de la perte se fera dès l'avertissement téléphonique et après avoir vérifié auprès du déclarant des éléments que lui seul peut détenir tels que le numéro d'appel ou le numéro d'enregistrement du contrat, ORANGE FRANCE ne peut être tenue responsable d'une fausse déclaration sauf à démontrer une faute de sa part.

Ainsi, la clause 7.2 § 4 qui prévoit que « ORANGE FRANCE ne saurait être tenu pour responsable des conséquences d'une déclaration inexacte ou n'émanant pas de l'abonné » n'est pas abusive.

 

6 - Sur l'article 8-1 consacré aux conséquences des perturbations rencontrées par le service qui dispose notamment :

8-1 : « … A ce titre, la responsabilité de ORANGE FRANCE ne sera pas engagée en raison de perturbations causées par des travaux d'entretien, de renforcement, de réaménagement ou d'extension des installations de son réseau ainsi qu'en cas de force majeure au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. »

8-1 in fine : « L'obligation de ORANGE FRANCE est une obligation de moyens ».

[minute page 8] UFC soutient que cette clause exonère la société ORANGE FRANCE de l'obligation de résultat à laquelle elle est légalement tenue en sa qualité de prestataire de service et qu'elle est par trop imprécise sur les limites apportées à l'obligation de fournir le service.

ORANGE FRANCE objecte qu'elle répond aux obligations auxquelles l'a soumis l'arrêté du 17 août 2000 et qu'elle a limité le temps durant lequel les perturbations n'ouvrent droit à aucun dédommagement à une période de deux jours.

Sur ce :

La société ORANGE FRANCE assume une obligation de résultat et non une obligation de moyens puisque le contrat qui l'unit à ses abonnés est un contrat de prestataire de services ; L'affirmation péremptoire de la dernière phrase de l'article 8-1 in fine devra donc être supprimée de ce contrat.

Certaines perturbations peuvent toucher le réseau mis à la disposition des abonnés du fait de travaux d'entretien, de renforcement, de réaménagement ou d'extension, réalisés dans l'intérêt des consommateurs ; la commission des clauses abusives a estimé que ces clauses n'étaient pas abusives dans la mesure où elles étaient suffisamment précises et explicites ; tel est le cas en l'espèce, puisque ORANGE FRANCE a caractérisé les types de travaux concernés, a limité le temps de dérangement n'ouvrant pas droit à réparation à un délai de deux jours et dans l'article 8-3 du même contrat, a indiqué que passé ce délai, l'abonné aurait droit au remboursement d'un mois d'abonnement sur demande écrite par lettre simple.

En conséquence, le premier alinéa de la clause n'est pas abusif car il n'engendre aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur, les obligations des deux parties étant reconnues et sauvegardées.

 

7 - Sur la modification unilatérale par ORANGE FRANCE du numéro d'appel attribué à l'abonné :

L'article 8-2 § 3 précise que « ORANGE FRANCE ne peut être tenue responsable de la modification du N° d'appel suite à des contraintes techniques dans les conditions définies à l'article 8-4 ».

L'article 8.4 § 1 spécifie que « Si pour des raisons techniques ORANGE FRANCE est contrainte de modifier le N° d'appel de l'abonné, ORANGE FRANCE informe l'abonné dans un délai qui ne saurait être inférieur à un mois. L'abonné pourra alors résilier son contrat dans les conditions prévues à l'article 16.2 ».

UFC prétend que la société ORANGE FRANCE crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur qui voit son numéro de portable changer sans préavis, motif ni indemnité.

[minute page 9] ORANGE FRANCE rappelle qu'elle n'est absolument pas propriétaire des numéros d'appel attribués à ses abonnés car elle a seulement pour objet de donner accès par voie hertzienne au réseau de communications.

Sur ce :

La société ORANGE FRANCE a prévu un préavis d'un mois pour informer son abonné de la modification unilatérale de son numéro d'appel ; néanmoins, elle ne donne aucune explication sur les motifs qui la contraindraient à changer le numéro d'appel de cet abonné et ne prévoit aucune indemnité.

Une partie ne pouvant modifier unilatéralement un élément du contrat en cours d'exécution du contrat, sans que cette modification ait été prévue et qu'elle soit causée par un événement lui aussi défini par le contrat, il apparaît que cette clause est abusive en ce qu'elle ne définit pas le motif du changement de numéro d'appel et laisse la société ORANGE FRANCE libre d'agir arbitrairement.

Cette clause doit donc être déclarée abusive.

 

8 - Sur la confidentialité des messages déposés dans la messagerie de l'abonné :

L'article 9-2.2 §4 prévoit que « la confidentialité des messages est assurée par un code confidentiel et personnel de consultation qu'il appartient à l'abonné de programmer. La responsabilité de ORANGE FRANCE ne saurait être engagée du fait de l'utilisation de ce code par un tiers ».

Comme il a été dit plus haut au paragraphe 4 sur l'utilisation de la carte SIM qui elle aussi est codée, le consommateur dispose seul de la possibilité de coder l'accès à sa messagerie ; les piratages évoqués par UFC n'étant pas démontrés, il convient de dire que cette clause n'est pas abusive car il est de la responsabilité du consommateur de coder sa messagerie et de ne pas divulguer ce code à des tiers ; la responsabilité de ORANGE FRANCE du fait d'accès à la messagerie d'un abonné par des tiers ne saurait être recherchée sauf à démontrer une faute ou une défaillance de sa part.

 9 - Sur « l'application de plein droit et sans formalité d'une majoration égale à 1, 5 fois le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de la facturation, en cas de non paiement » contenue à l'article 12-3 :

Les intérêts conventionnels sont interdits par les dispositions de l'article 1153 du Code civil seulement pour les contrats qui se bornent au paiement d'une somme.

Des intérêts au taux conventionnel peuvent, en revanche, être prévus dans un contrat de prestations de services entre un professionnel et un consommateur puisque les obligations du professionnel sont autres que le paiement d'une somme, mais à condition que le taux puisse être calculé et que soit défini le point de départ de l'application de ce taux.

[minute page 10] En l'espèce, une seule des deux conditions est remplie puisque le taux conventionnel est calculable ; en effet, il est contractuellement fixé à 1,5 fois le taux légal en vigueur au jour de la facturation mais le point de départ du calcul des intérêts n'est pas défini puisqu'aucune mise en demeure de payer n'est visée au contrat.

Les termes « sans formalité » inclus dans cette clause permettent à la société ORANGE FRANCE de ne pas émettre de lettre de relance ou d'information pour alerter le consommateur du débit affectant son compte abonnement et générer à son profit un gain supplémentaire sans préavis, créant ainsi un déséquilibre significatif qui prive le consommateur de l'information nécessaire et utile pour éviter de supporter des intérêts conventionnels.

S'il est légitime pour la société ORANGE de prévoir des intérêts conventionnels, en cas de non paiement de la part d'un abonné, il faut pour que cette clause soit valable que le consommateur soit informé du point de départ des intérêts conventionnels en cas de non paiement.

A défaut de spécifier ces deux critères, la clause est abusive.

 

10 - Sur les frais de gestion :

L'article 12-3 § 2 prévoit en cas d'impayé outre les intérêts conventionnels, « un minimum de perception pour participation aux frais de gestion de dossier dont le montant est précisé dans la fiche tarifaire ».

Il convient de rappeler que l'article 32 § 3 de la loi du 9 juillet 1991 interdit les frais de gestion appliqués aux consommateurs en dehors des frais de recouvrement pour l'obtention d'un titre exécutoire.

En conséquence, cette portion de phrase est non seulement abusive en ce qu'elle fait référence à la fiche tarifaire mais bien plus illicite car contraire aux dispositions légales sur les frais de gestion.

L'article 13-5 du contrat dispose : « En cas de défaillance du tiers payeur, l'abonné n'est pas exonéré de son obligation de paiement. »

Contrairement à ce que soutient l'UFC, cette clause n'est en rien abusive car elle ne crée aucun déséquilibre au détriment du consommateur ou au profit de ORANGE FRANCE. Si le contrat prévoit qu'un tiers payeur peut s'engager à régler le montant des communications, l'abonné reste néanmoins le cocontractant direct de la société ORANGE FRANCE et le seul bénéficiaire de l'accès au réseau de téléphonie mobile ; en payant les communications qu'il a consommées, il ne fait que répondre de son obligation principale et le fait que ORANGE FRANCE ait accepté qu'un tiers non bénéficiaire du contrat paie les communications par délégation, ne peut exonérer l'abonné de ses propres obligations.

[minute page 11] Cette clause n'est que l'application des obligations contractuelles consenties par l'abonné.

 

11 - L'article 16-1 prévoit que la résiliation à l'initiative de l'abonné « prend effet un mois après la date de la première facture qui suit la réception de sa demande par ORANGE FRANCE. »

Cette disposition, d'une complication assez inutile quant au délai à prendre en compte pour donner effet à la résiliation, crée un avantage en faveur de la société ORANGE FRANCE puisque en fonction de la date de la facture, le délai de préavis peut en fait passer à deux mois et le consommateur se trouve contraint à une prestation forcée donnant lieu à redevance.

Il convient donc de simplifier les conditions de résiliation à l'initiative du consommateur de façon à ce que le délai de préavis soit un terme fixe de un mois à compter de la réception de la demande.

Cette clause est donc abusive.

 

12 - Sur l'article 16-1 in fine du contrat :

Il a déjà été statué plus haut sur les termes de cet article consacré aux cas limités de résiliation pendant la période initiale de douze mois qui a été supprimée comme étant elle-même abusive.

 

13 - Sur les autres demandes :

L'UFC a agi en justice pour défendre l'intérêt collectif des consommateurs soumis à un contrat contenant de nombreuses clauses abusives ; les circonstances de l'espèce justifient l'allocation de la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts.

La publication du dispositif de la décision dans les trois journaux visés dans l'assignation et sur la page d'accueil du site internet de la société ORANGE FRANCE est nécessaire afin de permettre une information générale et totale des consommateurs ; elle sera ordonnée dans les formes qui seront précisées dans le dispositif.

Enfin, pour permettre une information personnalisée à chacun des abonnés de la société ORANGE FRANCE, il sera ordonné à cette dernière d'adresser, dans un délai de un mois à compter du présent jugement, un courrier électronique dit « SMS » sur la messagerie de chacun de ses abonnés l'informant des modifications intervenues sur le contrat, au visa de la présente décision.

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée.

[minute page 12] Les conditions sont réunies pour allouer la somme de 4.000 euros à l'UFC au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

- Dit que sont abusives les clauses suivantes contenues aux articles :

* 4.5 en ce qu'elle ne précise pas les modalités de restitution du dépôt de garantie,

* 6 prévoyant une durée initiale de douze mois,

* 7.2 § 1 sur la date de réception de la déclaration pour vol,

* 8.1 in fine sur la seule obligation de moyen,

* 8-2 sur le changement de numéro d'appel pour « contraintes techniques »,

* 12-3 sur le taux d'intérêt de retard fixé à 1,5 fois le taux légal sans information sur le point de départ,

* 16-1 sur la date d'effet de la résiliation,

* 16-1 in fine sur l'impossibilité de résilier pendant les douze premiers mois.

En conséquence,

- Ordonne la suppression par la société ORANGE FRANCE de son contrat l'ensemble des clauses citées ci-dessus comme abusives, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte comminatoire de 1.000 (MILLE) euros par jour de retard à l'expiration du délai imparti, que le tribunal se réserve de liquider.

- Dit que la clause 12-3 § 2 sur les frais de gestion est illicite et la déclare nulle.

Condamne la société ORANGE FRANCE à payer à UFC la somme de 7.500 (SEPT MILLE CINQ CENTS) euros à titre de dommages et intérêts.

Ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans les journaux LE MONDE, LIBÉRATION et LE FIGARO, à la charge de la société ORANGE FRANCE et à concurrence de 5.000 (CINQ MILLE) euros par insertion, ainsi que sur la page d'accueil de son site internet, et ce dans un délai d'un mois à dater du jugement et à ses frais.

- Ordonne à la société ORANGE d'adresser à chacun de ses abonnés un message électronique dit « SMS » l'informant des modifications apportées à son contrat au visa du présent jugement, dans le même délai d'un mois.

- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

- Rejette toutes autres prétentions plus amples.

- [minute page 13] Condamne la société ORANGE FRANCE à payer à L'UFC la somme de 4.000 (QUATRE MILLE) euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- Condamne la société ORANGE FRANCE aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître BOURROUX, avocat, selon les formes de l'article 699 de nouveau Code de procédure civile.

Fait et jugé à NANTERRE, le 10 SEPTEMBRE 2003.

 

Est cité par :