CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 1er juin 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 7049
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 1er juin 2004 : RG n° 02/01499 ; arrêt n° 333
Publication : sitee CCA
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er JUIN 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 02/01499. Arrêt n° 333. Appel d'une décision (R.G. n° 2000/2123) rendue par le Tribunal de Grande Instance GRENOBLE en date du 31 janvier 2002, suivant déclaration d'appel du 12 mars 2002.
APPELANTE :
SA. A. [SA Automobiles Peugeot]
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP HERVÉ JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
INTIMEÉS :
L'UFC QUE CHOISIR DE L’ISÈRE
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SELARL DAUPHIN & NEYRET, avoués à la Cour assistée de Maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE
[minute page 2]
Société S., venant aux droits de la Société B. [BERNARD] par voie de fusion absorption
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour, assistée de la SCP SPINELLA - REBOUL, avocats au barreau de GRENOBLE et plaidant par Maître REBOUL.
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Odile FALLETTI-HAENEL, Président, Madame Claude-Françoise KUENY, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre VIGNAL, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Hélène PAGANON, Greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 3 mai 2004, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
[minute page 3]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 12 mars 2002, la SA A. interjeté appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble en date du 31 janvier 2002 qui a :
- ordonné la suppression sous astreinte d'un certain nombre de clauses abusives figurant sur les contrats-types intitulés « BON DE COMMANDE OU DEMANDE DE LOCATION D'UN VÉHICULE NEUF » présentés par la SA B. et la SA ??
- condamné la SA B. et la SA A. in solidum à payer : à l'association UFC 38, avec exécution provisoire, la somme de 11.800 € pour le préjudice collectif, 1.600 € pour le préjudice associatif et 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- ordonné la publication du jugement dans « Le Dauphiné libéré », « Les petites affiches » et le « 38 » à concurrence de 1.500 € par insertion,
- a ordonné l'affichage du dispositif du jugement pendant un mois à chaque porte de l'établissement commercial de la SA B. et de la SA. A [N.B. comp. le dispositif du jugement initial, qui ne semble pas comporter cette mention, laquelle a pu être ajoutée ensuite lors d’une requête en omission de statuer]
La SA A. demande à la Cour :
- à titre principal, de constater que le bon de commande invoqué n'est plus proposé aux consommateurs, que l'action engagée par l'association est sans objet, et d'infirmer le jugement,
- à titre subsidiaire, de dire et juger que les conditions générales de vente sont rédigées de façon lisible et compréhensible et en caractère supérieur ou égal au corps 8, de dire que le bon de commande ne présente pas de clause susceptible d'être qualifiée d'abusive, d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la suppression de 15 clauses,
- de débouter l'association de toutes ses demandes, de la condamner à lui restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
- de condamner l'association à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que dès lors qu'il est établi que le type de contrat présenté par le constructeur n'est plus proposé aux consommateurs, l'action de l'association est devenue sans objet ; que le document ayant servi de base à l'action de l'association a été remplacé par un nouveau formulaire portant la référence 01/01 - Réf : 60CS 990200 à compter du 1er février 2001 ; que le bon de commande critiqué n'est plus « habituellement proposé » aux consommateurs ; que la SA A. P. démontre que l'ancienne version du bon de commande a bien été remplacée ;
- [minute page 4] que la preuve n'est pas rapportée que les conditions générales seraient rédigées en caractères minuscules inférieurs au corps 8,
- que l'association [UFC 38] ne démontre pas en quoi les clauses déclarées comme telles présentaient un caractère abusif,
- qu'il ne saurait être reproché à un professionnel de ne pas être d'accord avec les injonctions que l'[UFC 38] lui signifie et qui ne peuvent être sérieusement assimilées ni sur le fond ni sur la forme à des tentatives de résolution amiable d'un litige,
La SA S. venant aux droits de la SA B. demande à la Cour :
- à titre principal, de constater que le bon de commande invoqué n'est plus proposé aux consommateurs, que l'action engagée par l'association est sans objet, et d'infirmer le jugement,
- à titre subsidiaire, de dire et juger qu'aucune des clauses visées par l'association [UFC 38]. n'est abusive,
- de dire et juger que l'association ne rapporte ni la preuve d'une faute, ni celle des chefs de préjudice qu'elle invoque,
- de réformer le jugement en ce qu'il a ordonné la suppression de certaines clauses, l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité de procédure, et a ordonné la publication du jugement,
- de condamner l'association [UFC 38] à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir
- que dès lors qu'il est établi que le type de contrat présenté par le constructeur n'est plus proposé aux consommateurs, l'action de l'association est devenue sans objet ; que le document ayant servi de base à l'action de l'association a été remplacé par un nouveau formulaire ;
- que la preuve n'est pas rapportée que les conditions générales seraient rédigées en caractères minuscules, inférieurs au corps 8,
- que l'association [UFC 38] ne démontre pas en quoi les clauses déclarées comme telles présentaient un caractère abusif ;
- qu'il ne saurait être reproché à un professionnel de ne pas être d'accord avec les injonctions que l’[UFC 38] lui signifie et qui ne peuvent être sérieusement assimilées ni sur le fond ni sur la forme à des tentatives de résolution amiable d'un litige ;
- [minute page 5] qu'en sa qualité de concessionnaire, elle n'a fait qu'utiliser que les bons de commande diffusés par le constructeur.
L'ASSOCIATION [UFC 38] demande à la Cour :
- de confirmer le jugement déféré sur les clauses suivantes retenues comme abusives : 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
- de déclarer abusives les clauses 5 et 18, et d'interdire l'usage de ces clauses à l'avenir,
- d'ordonner la suppression de celles non encore supprimées dans le délai de deux mois de la décision à intervenir, sous astreinte,
- de donner acte aux professionnels de la suppression définitive de la clause de l'article 3 (version 1999) emportant obligation de confier la transmission de la demande de carte grise en cas de crédit,
- de confirmer le jugement sur le principe de la condamnation des professionnels à des dommages et intérêts, mais élever ceux-ci et condamner in solidum les deux sociétés à lui payer, au titre du préjudice collectif, les sommes de 19.000 €, et au titre du préjudice associatif, celle de 3.500 €, et à défaut, d'ordonner la capitalisation des intérêts,
- de confirmer la mesure de publication,
- de confirmer le jugement quant à l'indemnité de procédure allouée, et de lui allouer en cause d'appel la somme complémentaire de 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle précise que la SA B., en sa qualité de professionnel, doit vérifier la régularité des contrats qu'elle fournit, étant tenue préalablement à tout acte de vente, d'une obligation de renseignements et de conseils ; qu'elle ne peut donc se retrancher derrière la responsabilité éventuelle d'un autre professionnel ; que le concessionnaire a été justement assigné.
Elle répond que l'assignation a été délivrée au regard d'un contrat portant la mention « 01/99 » ; que la réimpression du contrat, même avec des modifications légères, ne rend pas les demandes de l'association sans objet ; que la plupart des clauses critiquée dans l'édition de 1999 se retrouvent dans l'édition 2001 ; que seules quatre modifications sont intervenues ; qu'en outre, il n'est pas établi, comme l'a relevé le Tribunal, que la version du contrat-type visée dans l'assignation ne serait plus présentée à la clientèle ; qu'en toute hypothèse, L'[UFC 38] a formé des demandes y compris contre la nouvelle édition du contrat.
[minute page 6] Elle fait valoir que les deux sociétés prétendent que l'action ne serait pas fondée contre les clauses de la garantie contractuelle au motif qu'il s'agirait d'un acte autonome ; qu'une telle analyse n'a aucun fondement ; que tout document contractuel, qui contient les obligations respectives, doit être apprécié quant à son équilibre, et dès lors est justiciable de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.
Elle indique que la présentation des conditions générales est peu claire, que les consommateurs ne sont pas réellement informés de leurs droits et obligations, en contradiction avec les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, et qu'il conviendra d'ordonner à la défenderesse la réédition de son contrat selon une typographie aisément lisible.
Elle ajoute que le préjudice subi par la collectivité des consommateurs est d'autant plus grand que la plupart des clauses critiquées ont une incidence financière et conduisent à un profit pour le professionnel ; qu'en outre, en l'absence d'exécution provisoire, les professionnels ont continué d'utiliser le contrat litigieux pendant la durée de la procédure d'appel ; que les dommages et intérêts alloués devront être augmentés.
Quant aux mesures de publication et d'affichage, elles sont indispensables et elles permettent â l'ensemble de la collectivité des professionnels d'en avoir connaissance et d'avoir leur attention attirée sur la nécessité d'équilibrer les contrats proposés aux consommateurs.
S'agissant de l'astreinte, elle devra être maintenue, car il est manifeste que sans astreinte, les professionnels s'arrogeront le délai qu'ils voudront pour rectifier leurs contrats.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L’ARRÊT :
L'action de l'association [UFC 38] vise la suppression de clauses contenues dans les bons de commande de véhicule neuf habituellement proposés par la SA A. et son réseau de distribution, dont la SA S. venant aux droits de la SA B., à la date de l'assignation.
La SA A. a fait procéder à l'impression d'un nouveau bon de commande portant la référence 01/01 - Réf. 60C 990200 qui, selon elle, a été mis à la disposition des membres de son réseau à compter du 1er février 2001.
Ce n'est [pas] parce qu'un nouveau modèle a été mis à la disposition des vendeurs que la demande formée au titre du contrat précédent serait devenue sans objet. En effet, d'une part, la SA A. et la SA S. n’établissent pas que l'ancienne version du bon de commande ne serait plus utilisée, et d'autre part, il est de l'intérêt des consommateurs que la juridiction saisie se prononce sur le caractère abusif de telle ou telle clause afin qu'elle ne puisse pas à l'avenir être réintroduite dans les bons de commande à l'occasion d'une nouvelle rédaction.
[minute page 7] Aux termes de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
* * *
S'agissant des caractères utilisés pour la rédaction des conditions générales des bons de commande litigieux, le Tribunal s'est borné à constater qu’« il résulte de l'examen du contrat-type produit qu'il est rédigé en petits caractères rendant la lecture difficile ». Il a en conséquence ordonné « la suppression d'exemplaire de ce contrat-type qui serait imprimé en caractères inférieurs au corps 8 ».
Contrairement à ce qui est soutenu, et à ce qui a été jugé, la lecture des conditions générales du bon de commande litigieux n'est pas particulièrement difficile. Il est présenté de manière claire et lisible et en outre, il n'est pas démontré que la taille des caractères prévue par l'article R. 331-6 alinéa 2 du Code de la consommation ne serait pas respectée.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
* * *
Les différentes clauses critiquées seront examinées dans l'ordre du jugement :
1°) Clause relative à l'acceptation par le client des conditions générales de vente : Le bon de commande mentionne à la page 2 que « la présente commande ou demande de location est soumise aux conditions générales de vente et de garantie situées au verso ; le client, acheteur ou futur locataire, déclare avoir pris connaissance de l'ensemble de celles-ci, et les accepter ».
Il est en outre indiqué que « le client déclare avoir pris connaissance des conditions particulières applicables aux commandes soumises au Code de la consommation figurant au dos du présent document et les avoir reçues… ».
Cette clause figure en petits caractères, en page 2 d'un document qui en comporte 7, immédiatement à la suite de la rubrique relative aux conditions de financement du véhicule, et à la demande de la carte P.
L'attention du client ne peut avoir été attirée par une clause dont la taille des caractères typographiques est inférieure à celle utilisée pour les rubriques précédentes.
Comme l'a relevé le premier juge, la rédaction de cette clause tend à faire croire au consommateur que son acceptation des conditions générales de vente et de garantie serait totale et sans réserve, y compris de clauses qui pourraient avoir un caractère abusif, crée au profit du professionnel un déséquilibre significatif et doit être supprimée.
[minute page 8]
2°) article 1° « MODELES », alinéa 2 (identique dans les deux versions du bon de commande) : il prévoit que le constructeur « se réserve d'apporter à ses modèles toutes modifications mineures qu'il jugerait opportune en fonction notamment de l'évolution technique... ».
L'article R- 132-2 alinéa 2 du Code de la consommation précise : « Toutefois, il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution technique, à condition qu’il n’en résulte ni augmentation des prix, ni altération de qualité et que la clause réserve au non-professionnel ou consommateur la possibilité de mentionner les caractéristiques auxquelles il subordonne son engagement ».
L'alinéa 1 de l'article 1° du contrat précise que le client peut mentionner sur le bon de commande, à la rubrique « Observations » les caractéristiques du véhicule qu'il juge essentielles et auxquelles il subordonne son engagement.
Cependant, la clause litigieuse ne précise pas, comme l'a relevé le Tribunal, que les modifications liées à l'évolution technique ne peuvent entraîner ni augmentation des prix ni altération de qualité alors qu'il était simple de le faire. C'est à bon droit que la suppression de cette clause a été ordonnée.
3°) article 2° « PRIX » « Les prix pratiqués sont ceux du tarif en vigueur au jour de la commande si la livraison est effectuée ou stipulée dans les trois mois de la commande, sauf variation de prix résultant d'une modification du régime fiscal ou d'une modification technique imposée par les Pouvoirs publics. Il est toutefois précisé que cette garantie de prix ne s'applique qu'au modèle et à l'année-modèle mentionnés sur le bon de commande ».
Dans la version 2001 du bon de commande, la référence à l'année-modèle a été supprimée.
Cette clause reprend les termes de l'article 3 de l'arrêté du 30 juin 1978, et comme le prévoit cet article, il est précisé que le vendeur ne peut s'exonérer de cette garantie de prix que si une modification du prix est rendue nécessaire par des modifications techniques résultant de l'application des réglementations imposées par les pouvoirs publics.
En outre, l'article 9° ANNULATION - RÉSILATION permet au client de résilier sa commande si le vendeur ne peut mettre à sa disposition dans le délai convenu le véhicule du modèle spécifié lors de la commande, et si le véhicule ne correspond pas aux caractéristiques que le client a jugé essentielles et auxquelles il a subordonné son engagement.
La clause critiquée ne crée pas un avantage significatif au profit du professionnel. Le jugement sera infirmé de ce chef.
[minute page 9]
4°) article 2° alinéa 2 : « Si le véhicule est livré plus de trois mois après la commande sur la demande ou du fait du client ou en raison de circonstances visées à l'article 5 ci-dessous., le prix appliqué sera celui du tarif en vigueur au jour de la livraison, à moins que le client ne demande l'application des dispositions de l'article 9 a) ci-dessous ».
Les circonstances visées à l'article 5 sont les suivantes : force majeure, conflit collectif du travail, incendie, inondation., fait de guerre, réquisition chez le constructeur, ses fournisseurs sous-traitants ainsi que chez le vendeur.
La demande d'un tel délai de livraison ne résulte que de la volonté du client de ne pas être livré dans un délai de trois mois. Il n'est pas établi qu'une telle clause crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
S'agissant des circonstances visées à l'article 5, le renvoi à l'article 9 a) ne permet pas au client de savoir s'il peut résilier sa commande en cas de survenance de l’une de ces circonstances.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la suppression de la partie de la clause « ou en raison de circonstances visées à l'article 5 ci-dessous ».
5°) article 3° « COMMANDE », alinéa 2 (1ère phrase) : « Le bénéfice de la commande est personnel au client il ne peut être cédé ».
Le premier juge a justement considéré que cette clause n'est que l'application des principes fondamentaux du droit civil, le concessionnaire étant en droit d'exiger l'exécution du contrat par celui qui l'a souscrit.
Les conditions d'acquisition d'un véhicule et en particulier le prix, sont déterminés en fonction notamment de la situation personnelle de l'acquéreur (reprise ou non de l'ancien véhicule, client habituel de la marque).
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en suppression de cette clause.
6°) article 3° « COMMANDE », alinéa 2 (2ème phrase) : « Le client doit confier au vendeur le soin de transmettre à la Préfecture sa demande de carte grise en cas de vente à crédit »
Cette clause n'a pas été retenue comme abusive par le Tribunal, et l'association [UFC 38] a demandé qu'il soit donné acte aux professionnels de ce que cette clause avait été supprimée dans la nouvelle version du bon de commande.
[minute page 10]
7°) article 3° « COMMANDE », alinéa 3 : « Les concessionnaires... ne sont pas les mandataires du constructeur : ils sont seuls responsables vis-à-vis de leurs clients de tous engagements pris par eux ».
La rédaction de cette clause emporte un déséquilibre significatif en laissant croire au consommateur qu'il est dépourvu de tout recours envers le fabricant, même si l'article 8 du contrat s'intitule « Garantie contractuelle P. » et renvoie aux conditions de garantie.
Le jugement, qui a considéré à bon droit que cette clause devait être supprimée, sera confirmé.
8) article 3° « COMMANDE », in fine (version. 1999) « La livraison du véhicule du modèle et de l'année-modèles spécifiés est garantie dans la limite des disponibilités connues du vendeur au moment de la commande ».
Cette clause a été supprimée dans la version 01/01 du bon de commande.
Le premier juge a justement relevé qu'une telle clause introduit dans les rapports contractuels un élément invérifiable qui ne résultera que de l'affirmation du concessionnaire, et confère à celui-ci un avantage significatif injustifié, et que le seul fait que le consommateur puisse résilier sa commande, récupérer son acompte et obtenir des intérêts au taux légal ne compense pas le déséquilibre.
Le jugement sera confirmé de ce chef,
9°) article 5 « DÉLAI DE LIVRAISON » Le délai de livraison est garanti sauf « ... en cas de force majeure, conflit collectif du travail, incendie, inondation., réquisition chez le constructeur, ses fournisseurs sous-traitants ainsi que chez le vendeur » (version 1999).
Dans la version 2001, la formulation a été modifiée. Le délai est garanti sauf « ... en cas de force majeure tel que incendie, inondation, réquisition, conflit collectif du travail chez le constructeur, ses fournisseurs ou ses sous-traitants ainsi que chez le vendeur ».
La clause précise que « passée cette date, éventuellement prorogé comme indiqué ci-dessus, le client pourra demander l'application de l'article 9 ci-dessous ».
La commission des clauses abusives a recommandé que soient éliminées des modèles de contrat les clauses ayant pour objet ou pour effet d'ajouter à la force majeure susceptible d'exonérer le vendeur professionnel de sa responsabilité en cas de retard de livraison, une série d'événements (conflits collectifs du travail, look out, …), sans préciser que ces événements ne pourront exonérer le vendeur que s'ils présentent les caractéristiques de la force majeure.
[minute page 11] Cependant, malgré la modification opérée en 2001, la rédaction de la clause litigieuse peut faire penser au consommateur que tous les événements énumérés constituent des cas de force majeure, lui laissant la possibilité de résilier la commande.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que cette clause conférait au vendeur professionnel un avantage injustifié.
10°) article 6 Indemnité de résiliation : « Dans le cas d'une vente à crédit, l'acompte versé restera acquis au vendeur à titre d'indemnité si le client se dédit après expiration du délai de rétractation dont il bénéficie, à moins qu'il ne se trouve dans un des trois cas prévus à l'article 9 », article qui énumère les cas dans lesquels le consommateur peut résilier sa commande.
La pénalité de dédit pour le client est limitée à la perte de l'acompte alors que dans l'hypothèse d'une résiliation pour défaut de livraison, le consommateur peut exiger le remboursement des versements déjà effectués, majorés des intérêts au taux légal à partir du 1er jour suivant l'expiration du délai de livraison.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a considéré qu'il existait un déséquilibre au détriment du consommateur et a déclaré abusive cette clause.
11°) article 7 « LIVRAISONS » : L'acquéreur a 15 jours pour prendre possession du véhicule, et « passé ce délai, il lui sera compté des frais de garage, à moins qu'il ne soit disposé du véhicule en faveur d'un autre client, auquel cas la livraison serait reportée à une date ultérieure ».
Le fait pour le professionnel de décompter des frais de garage, ou de se réserver le droit de disposer de la chose vendue, alors que le client n'a pas pris livraison du véhicule dans les 15 jours de la mise à disposition, ne constitue pas un avantage injustifié au profit du professionnel.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
12°) article 9 « ANNULATION – RÉSILIATION », b) et c) Le client ne pourra résilier sa commande « que dans les cas suivants » :
- « si le vendeur ne peut mettre à la disposition du client dans le délai convenu un véhicule du modèle et de l'année-modèle spécifiés lors de la commande »,
- « si le véhicule livré ne comprend pas les caractéristiques que le client a jugé essentielles et auxquelles il a subordonné son engagement »,
[minute page 12] C'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le membre de phrase « que dans les cas suivants » devait être supprimé, cette rédaction étant trompeuse pour le consommateur, alors que d'autres circonstances pourraient justifier des actions en résiliation du contrat.
13°) ARTICLE 9 « ANNULATION – RÉSILIATION », in fine : « Le vendeur, de son côté, pourra annuler la commande et conserver l'acompte à titre d'indemnité, si dans le délai de quinze jours prévu à l'article 7, le client n'a pas pris livraison du véhicule ou, à défaut, payé son prix ».
Cette clause a été maintenue dans la version 2001.
Dès lors que le client a signé un bon de commande et qu'il bénéficie d'une garantie de prix dans un délai de trois mois, il a souscrit une obligation de payer le prix mais également celle de prendre livraison, et sauf à établir qu'il serait empêché de remplir ses obligations en raison d'un cas de force majeure, il n'apparaît pas que la faculté, de résiliation par le vendeur, après mise en demeure, puisse constituer pour ce professionnel un avantage injustifié.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
14°) GARANTIE CONTRACTUELLE, § 1 « Les véhicules P. sont garantis par le constructeur contre tout défaut de construction ou de matière, pendant une durée de un an, sans limitation de kilométrage, à compter du jour de la livraison ».
Ce premier paragraphe, qui détermine la durée et l'étendue de la garantie contractuelle, est suivi d'un deuxième paragraphe qui précise que cette garantie « s'ajoute à la garantie légale ».
Ces clauses n'entretiennent aucune ambiguïté entre ces deux types de garantie et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a ordonné la suppression du § 1.
15°) GARANTIE CONTRACTUELLE, § 8 et 30
Selon le 8, « la garantie s'applique à la condition expresse que :
- le véhicule soit et ait toujours été réparé dans les points service du réseau commercial P.,
- les révisions périodiques mentionnées dans le carnet « Conditions de garantie et Révisions périodiques » aient été réalisées en temps voulu par les points service dudit réseau »
La clause exclut la garantie du constructeur lorsque le client, même pour une simple « révision périodique » sollicite les services d'un professionnel qui n'est pas membre du réseau.
[minute page 13] Cette clause impose au consommateur de s'adresser exclusivement à un représentant de la marque pour des prestations qui peuvent être banales, ne requérant pas une technicité particulière, ou ne mettant pas en cause la sécurité.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré qu'une telle clause conférait au professionnel un avantage injustifié.
S'agissant de la garantie anticorrosion, elle « « ne couvre pas... les dégâts consécutifs à la remise en état de la carrosserie (suite à accident ou non) en dehors des points service du réseau commercial P. »
Une telle clause, qui se justifie par la sécurité des consommateurs et par la technicité de l'objet, n'est pas contraire à l'article 9° de la recommandation n° 79-02 du 27 juin 1978.
Il n'est pas illégitime que le professionnel ne soit pas tenu contractuellement de garantir le véhicule contre la corrosion s'il n'a pas été en mesure d'exercer son contrôle sur les pièces remplacées et sur le traitement des matériaux à la suite de dommages dus à des causes extérieures.
16°) GARANTIE CONTRACTUELLE, § 10 « La garantie cesse lorsque : des pièces ou des accessoires non agréés par le constructeur ont été montés sur le véhicule. »
Cette clause, par son caractère automatique, confère aux professionnels un avantage injustifié en imposant au consommateur, afin de bénéficier de la garantie contractuelle, de faire l'acquisition de pièces ou de simples accessoires agréés par le constructeur. Cette clause est abusive en ce sens qu'elle exclut toute garantie alors même que la pièce ou l'accessoire ne serait pas en cause.
Le jugement sera confirmé de ce chef,
17°) GARANTIE CONTRACTUELLE, § 17 (version 1999) : « La garantie contractuelle ne couvre pas : les dommages imputables à une cause extérieure ayant endommagé le véhicule, notamment les impacts de gravillons et les retombées atmosphériques, chimiques, animales ou végétales sur la peinture ».
Elle ne couvre pas : « les dégâts consécutifs à des phénomènes naturels, chutes de grêle, inondations par exemple, les dégâts consécutifs à des accidents » (version. 2001).
De telles clauses ne peuvent être considérées comme abusives. En effet, ces clauses excluent légitimement la garantie du constructeur lorsque les dommages ont pour origine une cause extérieure à la chose garantie. Ces exclusions ne remettent pas en cause le principe de la garantie lorsque le vice est inhérent à la chose.
[minute page 14] Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a ordonné la suppression de cette clause.
18°) GARANTIE CONTRACTUELLE, § 22 « Les pièces ou organes changés au titre de la garantie contractuelle deviennent la propriété d'Automobiles P. »
L'association [UFC 38] n'établit pas que la conservation de la pièce défectueuse pourrait avoir un intérêt pour le consommateur. Le transfert de propriété de la pièce paraît une contrepartie raisonnable de la garantie fournie. En outre, il n'est pas démontré que l’absence de remise de la pièce défectueuse au consommateur priverait celui-ci d'un moyen de preuve en cas de litige, même en cas de pannes répétitives.
Enfin, le constructeur pourrait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1386-1 du Code civil s'il laissait en circulation une pièce défectueuse.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* * *
Une association agréée de défense des consommateurs agissant en suppression de clauses abusives est en droit de demander réparation, notamment par l'allocation de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs.
Le Tribunal a fait une appréciation excessive des dommages et intérêts, compte tenu du nombre de clauses déclarées abusives. Le montant de la condamnation au titre du préjudice collectif sera ramené à la somme de 7.000 €, et l'association [UFC 38] devra restituer à la SA A. le surplus qu'elle a éventuellement perçu dans le cadre de l'exécution provisoire.
L'association [UFC 38], afin de mener à bien sa mission de protection des consommateurs, est contrainte d'engager des dépenses importantes d'information, de formation, d'assistance de ceux-ci, de publications de revues diverses.... Le Tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice. Sa décision sera confirmée de ce chef.
S'agissant de l'indemnisation de préjudices, appréciés au moment où la Cour statue, il n'y a pas lieu à la capitalisation des intérêts.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a assorti sa décision de suppression des clauses d'une astreinte. En cas de résistance des professionnels, il appartiendra à l'association [UFC 38]. de saisir le Juge de l'exécution à cette fin.
[minute page 15] La demande de publication et d'affichage n'apparaît pas justifiée, elle sera rejetée, et le jugement infirmé de ce chef.
Enfin, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties en cause d'appel des frais non compris dans les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DÉCLARE RECEVABLE l'action de l'association [UFC 38],
CONFIRME le jugement en ce qu’il a ordonné la suppression :
- dans le bon de commande, la partie de la clause « le client déclare avoir pris connaissance des conditions particulières applicables aux commandes soumises au Code de la consommation figurant au dos du présent document et les avoir reçues... ».
- des clauses contenues dans les articles suivants, et que le Tribunal cite :
* article 1° MODELES, alinéa 2,
* article 2° PRIX, alinéa 2, de la partie de la clause « ou en raison de circonstances visées à l'article 5 ci-dessous ».
* article 3° COMMANDE, alinéa 3,
* article 3° COMMANDE, in fine (version 1999),
* article 5° DÉLAI DE LIVRAISON,
* article 9° ANNULATION - RÉSILIATION, alinéa 1er, « que dans les cas suivants »,
* GARANTIE CONTRACTUELLE, § 8
* GARANTIE CONTRACTUELLE, § 10
[minute page 16] CONFIRME le jugement en ce qu'il rejeté la demande en suppression des clauses figurant aux articles suivants :
* article 3° COMMANDE, alinéa 2 (1ère phrase),
* GARANTIE CONTRACTUELLE, § 22
DONNE ACTE aux professionnels de la suppression définitive de la clause de l'article 3°, alinéa 2, deuxième phrase,
CONFIRME quant au montant des indemnités allouées il l'association au titre du préjudice collectif et en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
INFIRME le jugement quant au montant de l'indemnité allouée à l'association [UFC 38] au titre du préjudice collectif,
ET STATUANT A NOUVEAU,
CONDAMNE in solidum la SA A. et la SA S. à payer à l'association UFC 38, au titre du préjudice collectif, la somme de 7.000 €,
DIT que l'association [UFC 38] devra restituer à la SA A. le surplus de la somme qu'elle aurait perçu au titre de l'exécution provisoire,
REJETTE la demande de capitalisation des intérêts,
INFIRME le jugement en ce qu'il a ordonné :
- la suppression des contrats-types qui seraient établis en caractères inférieurs au corps 8,
- la suppression partielle de la clause de l'article 2° sur la garantie de prix,
- la suppression partielle de la clause de l'article 6,
- la suppression de l'article 7° LIVRAISONS,
- la suppression de la clause de l'article 9° ANNULATION - RÉSILIATION, in fine,
- la suppression du § 1 de la garantie contractuelle,
- [minute page 17] la suppression de la clause § 17 (version 1999) et la clause modifiée dans la version 2001, relative à l'exclusion de garantie pour « cause extérieure »,
- une astreinte,
- la publication et l'affichage de la décision,
ET STATUANT À NOUVEAU,
DÉBOUTE l'association [UFC 38] de ces chefs de demande,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel,
FAIT MASSE des dépens d'appel qui seront supportés à concurrence d’1/3 par l'association, et de 2/3 par la SA A. et la SA S. in solidum, avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit des avoués qui en ont fait la demande.
Prononcé par Mine Odile FALLETTI-HAENEL, Président, qui a signé avec Mme Hélène PAGANON, Greffier
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- 5766 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Conditions - Suppression volontaire - Clauses supprimées en cours d’instance - Droit antérieur à la loi du 17 mars 2014
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- 5778 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Suppression des clauses - Donné acte
- 5780 - Code de la consommation - Régime de la protection - Association de consommateurs - Effets de l’action - Réparation des préjudices - Préjudice collectif des consommateurs - Éléments d’appréciation
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- 5992 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code de la consommation
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